Patrick Tourette le rayon de soleil

par LSA IDF / 15 mai 2021 à 10:21 Mise à jour 16 mai 2021 à 17:41
A 65 ans, Patrick Tourette semble avoir découvert le monde du handicap comme un miracle permanent. " C'est un univers magique où chacun à son intelligence propre." Investi dans l'éducation chez les jeunes, ados, adultes par l'entremise du vélo, celui qui, pris de passion pour la transmission a ouvert d'heureuses parenthèses pour une vie marquée par le malheur. Les blessures du bonheur passé semblent avoir été une passerelle pour renouer avec la vie présente.

Un combat continuel pour la vie

L'histoire d'une vie fait office de révélateur lorsqu'elle dérape. Relever la tête et repartir n'est pas chose facile. Patrick possède un tempérament qui l'a poussé à ne pas faire un blocage sur cette existence. Né à Montrouge et aîné d'une famille de poissonniers de quatre enfants, un premier drame arrive à l'âge de 13 ans où son jeune frère de trois ans trouve la mort dans un accident atroce. "J'y pense toujours".
Engagé dans la gendarmerie dans les transmissions, sa voix semble tracée. Dure réalité quand il perd son père et doit reprendre la poissonnerie familiale pour aider sa mère :"Toute ma vie je me suis mis au service des autres " souligne-t-il en riant.
Il bifurque et entre dans la filière Monoprix, devient formateur en voyageant. Il devient ensuite sous-directeur pour un grand magasin ouvert sur les Champs-Elysées. Le bonheur lui tend les bras. La durée est courte avec un terrible accident de la circulation le 20 avril 2007. Pied arraché, genou en vrac, fracture du bassin...lui feront passer un an couché sur une planche sans bouger. Deux ans d'hôpital, trois de rééducation et cinq sans pouvoir marche. Les souffrances perdurent :" J'ai créé une association de droit aux victimes pour me sentir utile. Je suis toujours sous médicaments et je souffre mais j'ai appris la patience." Il œuvre pour la sécurité routière, le handicap, les personnages âgées. Il devient délégué sécurité dans son club de vélo qu'il reprend il y a 7 ans. Il se lance dans l'enseignement du vélo pour handicapés mentaux.

3 000 essais sur les vélos

Il remue ciel et terre pour avoir du matériel roulant comme des tricycles, tandems...Il devient animateur, initiateur, moniteur. Il crée son école avec des jeunes en difficultés " Le seul constat que je peux faire c'est que le handicapé c'est moi" Il apprend aux autres la mécanique, le code de la route, de bonne conduite "J'ai contribué à former 70 adultes et en 6 ans 3000 ont essayé les vélos. Je suis devenu délégué régional de Vélo pour tous en formant 6 licenciés fédéraux handicap mental. Le COVID a mis un coup de frein et c'est devenu compliqué pour les rentrées d'argent".
Après avoir failli mourir trois fois "ce n'était certainement pas mon jour et dans mon malheur je me suis construit une vie formidable. Cette retransmission, c'est magique." A raison de 25 heures de bénévolat en moyenne par semaine, Patrick visite dans les hôpitaux, donne des conférences, fait les courses aux plus âgés, donne la main à la distribution alimentaire... et s'occupe de ses amoureux de la petite reine :" On commence par le basique puis la maniabilité, la réparation, la préparation des sorties, rouler en autonomie en ville. Mon but est de les amener à conduire une voiture sans permis. "

" Je respecte les jeunes "

A force de tirer les autres par le haut l'éducateur a pris le pari de l'espérance. Amusant de voir qu'avec son allure de militaire, il possède une pudeur de jeune fille : " Les jeunes m'écoutent et me respectent car je ne leur passe rien. J'avoue que j'ai mauvais caractère étant ascendant scorpion mais je les aime et respecte tout le monde, également les plus durs. C'est un immense enrichissement personnel quand les familles viennent faire du vélo avec leur enfant" Malgré un corps couvert de cicatrices avec un pied toujours immobile, Patrick vit son bonheur au présent :" Je m'éclate. C'est génial de les entendre parler et d'être dans le partage"  
L'oreille intérieure de son cœur est pour l'ancien poissonnier comme un coquillage, qui, pour un temps infini garde jalousement le bruit de la mer.
Chez lui, la droiture morale n'est pas un habit de parade mais un vêtement de tous les jours. Quand il sort ses vélos, même les rayons du soleil lui font de l'œil. Et cela suffit à son bonheur.

Pascal Pioppi

Pour plus de renseignements voile le site : handi roues loisirs (groupe AEDAVIA)

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