Vincent Clarico : haie d'honneur

par LSA IDF / 6 juin 2021 à 18:54 Mise à jour 7 juin 2021 à 06:11

De sa demi-finale aux JO d'Atlanta en 96, le hurdler Vincent Clarico ne s'attarde pas sur son rêve réalisé. Homme du présent, il continue de franchir les obstacles comme il le faisait sur les pistes du monde entier. Avec un record sur 110 m haies à 13"41, Vincent est entré dans la cour des grands, deux fois vainqueur des Jeux Méditerranéens et bardé de titres nationaux. Il a joué de cet espace suspendu avec une aisance souveraine.

Les pointes rangées dans l'armoire aux souvenirs avec un dernier record du monde indoor master et un autre européen en 14"01 à plus de 40 ans, Vincent est devenu entraîneur national des équipes de relais en poursuivant sa passion de retransmettre dans son club d'Antony 92. Une vie à courir après le bonheur en mettant ce temps de suspension qui donne à cette existence une sensation d'apesanteur.

"J'ai puisé de la confiance dans le sport " 

Le sport a été la poutre maîtresse de cet enfant réservé "j'étais très attaché à ma maman qui a élevé ses enfants et qui m'a traîné à 7 ans au judo pour m'aider à me détacher de ce lien maternel très fort". Ce sport de contact lui plaît mais encore plus les victoires qui s'enchaînent :" Ce sport est idéal et un moyen parfait d'être confronté à des hommes. J'ai puisé beaucoup de confiance." Une carrière s'ouvre mais son prof d'EPS M. Brossier remarque ses qualités et ses aptitudes pour les épreuves explosives. Cela sera un essai à l'athlé à Pierrefitte. Il flashe sur les haies mais est aussi repéré pour le hand. " Trois sports cela faisait beaucoup tout de même" Il arrête le judo, lui qui avait les moyens de faire carrière "j'ai été un peu déçu" met le hand de côté et cherche sa voie sportive. Elle viendra en tournant le bouton du poste de télé sur un reportage sur les JO de Montréal :"J'ai été ébahi par la médaille d'or de Guy Drut." Une révélation chez ce jeune qui, après des études comme prothésiste dentaire, passe un BTS action commerciale puis travaille dans le commerce tout en continuant de faire l'équilibriste sur ses haies :" En travaillant, je fatiguais et je n'arrivais pas à décrocher de podiums."

Dans une autre dimension

Le Bataillon de Joinville lui ouvre de nouvelles possibilités d'entraînement. Il se blesse mais s'accroche. Il signe à l'armée un 14"01 prometteur et entre au Racing Club de France en octobre 87. "Je suis passé d'une petite star à un complet anonyme avec les Quénervé, Abada, Vigneron, Quinon... " Jacky Depré le prend en main :"Je me suis fondu dans la masse. C'était dur, je n'avais pas beaucoup de copains. Je découvre le très haut niveau avec Gilles Quénervé et je contribue de donner des points à mon club pour les championnats de France et ceux d'Europe à Venise. Le regard sur moi est différent. Je rentre dans une autre dimension."

Il mute du Racing à Issy les Moulineaux se blesse pour les JO de Barcelone et découvre la préparation mentale grâce à Dominique Laugero. Libérer ses peurs, canaliser son stress, trouver les bonnes clés pour ouvrir les portes. Il arrive aux JO de 96 en pleine plénitude "c'était une forme d'aboutissement" Il poursuit et continue d'engranger les médailles à 36 ans :" J'ai eu une carrière chanceuse" Il veut finir en beauté sur les Championnats du monde à St-Denis, dans sa ville de naissance. Une petite blessure va mettre fin à ce rêve de jouer à domicile.

Chercheur dans l'âme, passionné par l'entraînement il devient prof de sport en 96 et se replonge dans son histoire à lui, celle qu'il a envie d'écrire. Il signe dans le petit club d'Antony 92 en commençant par les bases avec un seul athlète. Après avoir eu une belle carrière place à sa destinée. "J'ai été confronté à de vrais problèmes à l'entraînement en me posant des questions sur les bases, sur les doses de travail. On est obligé de se creuser la cervelle pour trouver des petites solutions, découvrir des profils. J'aime apprendre des autres et dans d'autres univers que le mien que je connais." Vincent est un artisan chercheur :" Je travaille sur une démarche, pas forcément sur une méthode. Ma logique est de m'intéresser à la personne. J'ai ma boîte à outil et les mains dans le cambouis".

"Le courant est passé avec Charles-Antoine " 

Ouvert d'esprit, rigoureux, pointu dans cette approche humaine, il hésite dans un premier temps à accueillir Charles-Antoine Kouakou, dont le handicap mental est source d'interrogation pour trouver des axes nouveaux :" J'ai découvert un autre univers. Mon but est de le rendre autonome le plus possible pour qu'il puisse s'épanouir en tant qu'homme. Le courant est vite passé en augmentant les séances. Il a été superbement bien accueilli et progresse. Je vis quelque chose et lui aussi d'extraordinaire avec un partage avec la FFSA."

(En Pologne, Vincent Clarico et son compère Frd Drieu en compagnie de Gäel Geffroy et Charles-Antoine Kouakou)

Déjà Paris 2024 dans le viseur

Vincent prend son temps. Il apporte une bouffée exaltante de cœur et de raison. Charles-Antoine adhère, passe au travers à Dubaï " la douche froide "mais obtient son billet pour Tokyo :"Il nous reste un peu de temps pour peaufiner. Il y a un Espagnol et un Anglais qui sont très forts. " Vincent est trop posé pour émettre un pronostic mais s'inscrit dans le futur "L'objectif sera l'or à Paris". Comme Vincent, "CAK" est né à quelques encablures du Stade de France. Et si l'histoire se transformait en conte de fée pour ces deux hommes en or ?  

HAUT