Suite à une assemblée générale un brin mouvementée, Marc Bellitto, le nouveau président de la Ligue a mis de l'ordre pour avancer sereinement vers le chemin de la réussite. Un mois après son élection, il nous a semblé important de faire le point sur son positionnement et ses projets. Homme d'action, il sait où il veut aller en donnant priorité au terrain avec une équipe impliquée et solidaire.
( Lors de la Soirée des Champions, Marc en compagnie de la jeune rameuse Tara Leroux)
Marc, comment avez-vous vécu ce passage de témoin à la présidence ?
Un mélange de satisfaction, en voyant que l’ensemble de l’équipe mise sur pied par Bruno
Hennebelle a été élue -et bien élue- et de déception mêlée d’un sentiment d’injustice, du fait
de la perte du capitaine. Mais l’équipe est solide et complémentaire, avec beaucoup
d’expérience, donc j’ai pris le relais sans que cela ne remette en cause ce qui était
initialement prévu. Les chantiers lancés il y a plusieurs mois déjà avec Bruno se
poursuivront.
Vous êtes un homme d'action, quelles ont été vos premières préoccupations une fois
l'élection passée ?
Ma première préoccupation a été de rassurer nos partenaires. Comme cela a été révélé par
un récent article du Parisien, il y a eu des ingérences inacceptables pendant cette
campagne, et beaucoup de fausses informations ont malheureusement circulé. Maintenant
que le brouillard se dissipe, la ligue peut reprendre le cours normal de sa vie. L’équipe
salariée a ainsi fait face à ses premières échéances avec succès, avec en particulier le
renouvellement sans réserve de notre certification qualité Qualiopi, essentielle pour nos
activités de formation. Priorité a aussi été donnée à nos sportifs et clubs, pour répondre au
mieux à leurs demandes urgentes. Car ils sont au cœur du dispositif, à l’image du formidable
championnat de France des régions de tennis de table organisé par l’AS-Corbeil
Essonnes Tennis de Table, où j’ai passé le weekend.
La Ligue IF a connu quelques turbulences mais le dialogue porte déjà ses fruits. Jouez-vous du culte de l'apaisement ?
Il y a eu certes quelques turbulences au premier semestre 2024, liées aux ingérences et
autres ambitions personnelles d’un nombre limité d’élus du précédent comité directeur. Mais
tout ceci est rentré dans l’ordre avant l’élection, lorsque Bruno Hennebelle a rappelé chacun
au respect des statuts. L’élection y a ajouté l’onction démocratique et clos définitivement
cette séquence. Tout le monde est maintenant au travail, et évidemment le dialogue avec
tous les acteurs de terrain est essentiel pour mieux répondre à la commande sociale.
(Marc et Bruno unis lors de la finale paralympique de Charles-Antoine Kouakou. Deux amis qui se respectent)
Vos premières mesures qui vous tiennent à coeur ou indispensables à la relance de la
machine ?
Encore une fois, il ne faut pas céder aux tentatives d’intoxication inhérentes à la campagne
électorale. Même si certains l’ont souhaité, la machine ligue n’a jamais été à l’arrêt. Et avec
la réorganisation des tâches de l’équipe salariée et les excellents recrutements réalisés à
l’automne, la ligue dispose désormais d’une équipe salariée de choc menée par notre
nouvelle directrice Julie Ruel. De fait, la rentrée sportive s’est très bien passée avec l’ajout
de nouveaux championnats régionaux (cross). L’arrivée des nouveaux salariés va permettre
le démarrage de certains chantiers prioritaires, par exemple à destination des établissements
médico-sociaux.
Lors de ce dernier trimestre les sportifs semblaient avoir été mis au second plan. Comptez-vous les remettre sur le devant de la scène ?
Je ne crois pas que les sportifs aient été mis au second plan. Peut être dans les propos de
campagne de certains, mais certainement pas dans l’esprit de nos salariés et nouveaux élus.
Pour ma part, ils sont au centre de mes préoccupations. Ils sont l’unique raison d’être de la
ligue, aussi bien nos sportifs déjà licenciés, que ceux -malheureusement trop nombreux- qu’il
va falloir remettre dans nos radars. Et je n’oublie pas leur famille et entourage, essentiels
dans la mise en place du projet sportif et l’accompagnement de leur projet de vie.
Quel regard portez-vous sur la richesse des sportifs mis en lumière lors de leur fameuse soirée ?
Cette soirée des champions à l’Assemblée nationale est une autre illustration du travail de
qualité réalisé par la ligue ces derniers mois, au service de nos publics. Investir ainsi un haut
lieu de notre République permet d’apporter reconnaissance et visibilité à nos champions
extraordinaires, et au-delà à tous les sportifs para adaptés dont ils sont les ambassadeurs.
Cette soirée à l’Hôtel de Lassay a permis de braquer les projecteurs sur la diversité et la
richesse de nos publics, mais également sur les caractéristiques qui font la grandeur du
sport adapté, et notamment la détermination, la fraternité et le fairplay de nos sportifs.
Les sportifs vont-ils être le socle du travail de tout le monde ?
Qui d’autre ? Encore une fois, nos sportifs c’est notre raison d’être. Mais pour mieux les
servir, il faut considérer l’ensemble des acteurs concernés. J’ai déjà mentionné le rôle capital
des familles et entourages, qu’il faudrait mieux soutenir et informer. Les clubs aussi doivent
être mieux accompagnés, surtout ceux qui après les Jeux paralympiques souhaitent se
lancer dans l’aventure adaptée, mais ne savent pas comment procéder. Autre composante
essentielle du dispositif, les établissements médico-sociaux doivent rentrer à leur tour dans
la ronde. Pour cela, il nous faut mieux répondre à leurs attentes. Enfin, il faut mobiliser des
bénévoles, et former puis placer des éducateurs compétents. C’est en avançant sur tous ces
sujets que l’offre sportive peut se développer, en quantité (+35% de licenciés en 2023-24) et
surtout en qualité.
(Maëllys, Charles-Antoine, Arthur les trois ambassadeurs doivent servir d'exemple)
Avez-vous peur de la tâche à accomplir ou confiant naturellement pour l'avenir ?
Baisser les yeux ou détourner le regard ce n’est pas vraiment dans ma nature. J’ai eu
plusieurs vies professionnelles, à chaque fois avec des défis assez importants. Que ce soit
dans l’anti-corruption, comme dans l’aide au développement ou le financement de
l’éducation, je n’ai jamais douté, adoptant toujours une démarche résolument optimiste. C’est dans le même état d’esprit que j’ouvre ce nouveau chapitre. Avec toutefois une part d’intime beaucoup plus forte que par le passé, car je partage en réalité cette aventure très
directement avec mon fils autiste, sportif de haut niveau. Arthur a fait du sport adapté la
pierre angulaire de son projet de vie, et depuis des années -singulièrement depuis un an- le
moteur de son incroyable développement. Et chacune de ses interventions est l’occasion
d’ouvrir de nouveaux canaux de discussion pour la ligue -au bénéfice du plus grand nombre-
avec d’autres ligues délégataires, des collectivités locales et de potentiels nouveaux
partenaires financiers, les grandes écoles, etc. Ça aussi, ça me rend optimiste, et nos
ambassadeurs ont un rôle très important à jouer, là encore au service de tous les autres qui
restent encore malheureusement invisibles aux yeux de notre société.
(La priorité, le terrain et la formation)
Vos priorités à court terme ?
Au-delà de la gestion du quotidien avec l’équipe salariée, qui se re-déploie, il nous faut
rapidement définir notre stratégie et nos priorités pour l’olympiade à venir. Bien entendu, on
ne part pas d’une feuille blanche, et beaucoup de chantiers passionnants ont déjà été lancés
par mon prédécesseur, Bruno Hennebelle, qu’on va poursuivre. Mais nul n’est parfait, et il y
a certainement encore plein de domaines où la Ligue peut et doit encore s’améliorer : pour
mieux servir nos clubs et nos sportifs, pour mieux se faire connaître auprès de nouveaux
partenaires, etc. Un séminaire stratégique est d’ores et déjà programmé début janvier, avec
la nouvelle équipe dirigeante et les salariés, précisément pour avancer sur ces questions.
Comptez-vous retendre le fil conducteur un peu distendu avec la FFSA ?
Les ingérences et autres mauvaises pratiques révélées récemment par le journal le Parisien
concernent des individus en particulier, pas forcément la FFSA comme institution.
Evidemment certaines de ces dérives ont significativement perturbé le fonctionnement de la
Ligue (élections, subventions, etc.) et limité son développement. Mais je reste optimiste, et
pour ma part j’ai toujours travaillé et travaille encore avec nombre d’acteurs fédéraux, qui
partagent les mêmes valeurs d’éthique -sportive et financière- que moi, et placent la lutte
contre toutes les formes de violence au coeur de leurs priorités. Ceux-là sont conscients
qu’on ne peut pas faire l’impasse sur un cinquième de nos publics, au seul motif qu’ils
résident en Île-de-France. Et puis l’action de la justice et du ministère devrait permettre de
mettre fin aux dérives, et rétablir la légalité comme l’efficacité.
Le relationnel est-il un élément clé de votre langage pour fédérer cette lourde machine
humaine ?
Dans le sport adapté les moyens sont hélas encore trop limités, et les structures petites à
quelque niveau que l’on se place. Il ne saurait donc être question de lourde machine ; et il
est essentiel de rester à taille humaine, car l’accompagnement de nos publics nécessite une
adaptation permanente. Il ne s’agit pas de créer une bureaucratie de plus. Ligues et comités
doivent fonctionner comme des facilitateurs, pas comme des organes régulateurs, et
l’information doit circuler dans les deux sens, pas de façon exclusivement descendante.
Nous devons être au service de nos publics, mais aussi pragmatiques et humbles compte
tenu d’un état de la connaissance qui est encore souvent trop limité, dans l’autisme
notamment.
Le prochain rêve que voudriez réaliser ?
Désolé, je suis un pragmatique plutôt qu’un rêveur. Certains de mes projets sont toutefois
plus ambitieux que d’autre, comme développer le concept de sport études sport adapté et la
possibilité d’un vrai parcours de vie dans le sport pour ceux de nos publics qui le
souhaiteraient. Plus généralement utiliser le sport adapté comme vecteur d’une meilleure
inclusion sociale des publics présentant une différence intellectuelle ou cognitive.
Quel est votre défaut personnel qui va le plus vous servir ?
Je suis terriblement têtu et obstiné. Ça devrait être utile je pense. Mes anciens chefs et
mentors professionnels mentionneraient également mon intégrité … en soupirant
profondément (rires), car ils en ont souffert autant que moi. Dans notre société actuelle ce
n’est manifestement plus perçu comme une qualité, mais plutôt comme un handicap, un
manque d’intelligence politique absolu. Mais comme je l’ai dit je suis têtu, et au risque de
faire "ancien monde", je reste fermement déterminé à réhabiliter l’intégrité comme une
qualité, et à tout le moins le fil directeur de ma conduite.
Votre qualité dont vous allez le moins vous servir ?
Je suis un gros bosseur. Comme je ne dispose pas de qualités extraordinaires, je suis plutôt
laborieux. Mais là, d’une part je dois continuer à m’assurer que mon fils est toujours bien
accompagné (c’est la raison pour laquelle j’ai mis un terme à ma carrière professionnelle), et
d’autre part je veux aussi responsabiliser mes équipes, et leur permettre de se développer
humainement et acquérir de nouvelles compétences. Donc je compte bien déléguer au
maximum, libérer les énergies et valoriser l’initiative et la créativité. S’inspirer du terrain,
valoriser les bonnes pratiques plutôt que réinventer la roue en permanence, s’appuyer sur
les associations et clubs qui fonctionnent, collaborer avec le plus grand nombre plutôt que de travailler en concurrence et faire doublon.
Président, un dernier mot pour conclure ?
De souhaiter à tous les acteurs, dirigeants, membres de la Ligue et à tous ceux qui aiment et travaillent pour le sport adapté de joyeuses fêtes et du bonheur d'appartenir à cette grande famille.
(Propos recueillis par Pascal Pioppi)
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