" CAK m'a fait un cadeau fabuleux "

par LSA IDF / 16 mai 2022 à 08:44 Mise à jour 16 mai 2022 à 15:42

Quand le champion de Tokyo donne à son éducatrice la force de se relever 


Dans son beau pays de Montpellier, Emmanuelle Mougel reprend le goût des petites choses, celles qui illuminent la jouissance d'un corps qui revit. Encore en traitement assez lourd après un cancer survenu en janvier 2020, cette grande sportive a renoué avec  le fil de sa vie : " Je reprends doucement, à mon rythme mes activités avec des grandes balades, de la voile avec l'association Entre ciel et mer. Cela me fait un bien fou et puis j'ai repris la semaine dernière l'escalade." Il y a aussi ce grand jardin qu'elle cultive avec des copains entre deux séances de kiné qui a été son quotidien depuis le début de cette cassure de vie. A son rythme, avec l'abnégation d'une sportive qui met tout en ordre pour aller toucher son but, Emmanuelle sourit : "Je savais que j'avais plein d'outils pour sortir de cette maladie. "

"J'ai pleuré en voyant CAK à Tokyo " 

(Aux côtés d'Emmanuelle, CAK pose fièrement avec son premier article)

Celle qui a été la première à déceler les capacités du futur champion paralympique Charles-Antoine Kouakou à l'IME de Ladoucette de Drancy revient vers cet épisode un peu surnaturel mais ô combien magnifique : "J'étais en rendez-vous avec l'anesthésiste pour passer sur le billard quand j'ai appris que Charles-Antoine venait d'être sacré à Tokyo. J'ai visionné sa course. Une merveille. J'ai pleuré. Il m'a fait à ce moment un cadeau incroyable en me donnant la force pour passer dans les mains du chirurgien."


Educatrice sportive tourné vers les bienfaits de l'inclusion, Emmanuelle a vite vu les capacités de ce CAK jeune homme de 14 ans, à l'écoute, au fort besoin de se dépenser :" Il se débrouillait bien dans toutes les activités. Il observait, écoutait et reproduisait avec une grande facilité le geste proposé. Il était partant pour tout, judo, escalade, hand, foot... Très vite cela rentrait et il se démarquait complètement des autres."

(Le jeune Charles-Antoine Kouakou (à gauche) dans ses débuts)

Les idées ne manquant pas pour Manu, les projets non plus. "Mon objectif était de permettre aux jeunes de toucher à toutes les activités. Un temps béni. J'adorais ce métier. J'amenais CAK sur les compets. J'avais monté le projet sur les championnats de France en m'appuyant sur Steeve Ebolo. Lors du deuxième National Fred Drieu l'a repéré et l'a emmené au Pôle France. Cela a été génial pour le jeune."

Drancy comme tremplin

Une période faste et bien remplie avec un véritable travail d'équipe " Je pense à Nicole Marielo, éducatrice sportive de l’IME Toulouse Lautrec à Aulnay sous Bois avec qui nous avons beaucoup mutualisé, Marc Deniset, Sandra Lanurien, mes chefs de service de l’époque, Jean-Michel Turlik et bien entendu Bruno Hennebelle, très investi à la Ligue " Seize ans d'un travail continu à ce poste d'enseignante APA avec des liens et des projets créés avec la FFSA et les ESMS qui ont permis à tous les jeunes de l'établissement d'avoir un projet sportif construit et de qualité.

(L'amour de la transmission, bagage indispensable de l'enseignant) 

"Quand je suis arrivée à Drancy, l’équipe de direction a créé le poste de toute pièce.Il a fallu deux ans pour que les partenariats s'enchaînent avec la mobilisation active d'un de mes chefs de service, du directeur de l'ESAT avec la ligue Ile de France, de la création d'une association départementale regroupant tous les établissements de la région, tout ceci n'aurait pas été possible. Nous nous sommes tous mobilisés et sommes devenus membres de la ligue Ile de France avec Bruno Hennebelle afin de créer tous ces liens."


Un projet athlétisme pour un groupe de jeunes de l'établissement avec le soutien actif du CT du CDSA 95, puis avec la ligue et enfin tout le projet qui s'est concrétisé avec Frédéric Drieu.

A L'IME Ladoucette, elle découvre les possibilités du futur champion paralympique encore tout gosse. "Manue" lui ouvre les portes du possible :" Quand je le vois s'exprimer, lui qui avait des problèmes à l'oral, cela me met les larmes aux yeux. Il y a de la joie, de la volonté chez lui et quel beau travail réalisé par toute une équipe autour de lui. " CAK, qui n'a pas oublié Emmanuelle malgré son statut de champion, sait ce qu'il doit à son éducatrice

Une éducatrice motivée 


Sportive depuis sa tendre jeunesse avec ses trois frères, la petite Manu dont les parents travaillaient dans le social, a suivi le cursus en s'adonnant au sport. Volley, athlétisme, badminton, escalade, hand, ski... elle se destine au métier de prof d'EPS en passant le CAPES mais bifurque bien vite :" Cette année ne m'a pas plu. Retour à l’UFR STAPS de Besançon pour une maîtrise APA." Suit une période de léger flottement :
"Je suis restée presque quatre ans en Franche Comté où j’ai été éducatrice sportive remplaçante en IME et directrice de CLSH à Pontarlier puis animatrice en EPHAD pendant deux ans et demie. Puis cela a été la région parisienne comme prof d'EPS en collège et lycée deux ans et ma longuee expérience comme éducatrice sportive à l’IME Ladoucette" Une nouvelle vie commence . Manue saisit la balle au bond :

" La Ligue a permis de faire des rencontres avec les éducs du 93." Emmanuelle nage dans le bonheur en empilant les projets pour le plus grand plaisir des jeunes. Le temps passe vite dans cette passion dévorante :" J'adorais cela et je m'enrichissais."

Suite à un gros problème d'arthrose qui va nécessiter trois mois d'arrêt pour cette fonceuse vient le temps des questions :" J'ai mis le cap sur Montpellier pour me remettre aux études à 42 ans afin de devenir chef de service."

Embauchée en cours de formation CAFERUIS elle devient responsable médico éducative adjointe pendant six mois

( Une femme qui sourit à la vie)

Le coup dur !

Hélas, les projets vont être mis d'un coup entre parenthèses. "Tout s'est écroulé avec un cambriolage et quelques jours plus tard le verdict de ce cancer en janvier 2020."
Emmanuelle la combattante, la guerrière va s'accrocher, encaisser les séances éprouvantes :" J'ai eu la chance d'avoir autour de moi de la bienveillance. " Le bout du tunnel vient d'être atteint. Le jour se lève enfin :" Je recommence à m'occuper de moi, de mon corps qui retrouve vie. Je recommence le sport et m'écroule d'une bonne fatigue à 20 heures. Je suis sur la bonne voie " souligne celle qui s'intéresse à l'apiculture et qui voltige comme une abeille travailleuse et rayonnante.
" Je me forme aujourd’hui à la pratique du Shiatsu thérapeutique et j’apprends la médecine traditionnelle chinoise.

Le corps reprend le dessus 


De son pays de Montpellier la souriante Manue continue de suivre à distance l'évolution de son protégé Charles-Antoine Kouakou :" Sa victoire m'a porté pour la fin de mon combat." Effectivement, elle a mené, comme son champion, des combats dont elle ne montre pas les bleus mais cet espoir de sourire pleinement à la vie qui lui tend les bras en se laissant porter en douceur par la musique des mots. L'âme et le cœur ont été obligés de se reposer pendant que le corps s'est agité. Le temps est venu d'inverser les données avec ce corps qui frétille d'impatience de reprendre le dessus. " Je me reconnecte à l'essentiel et je veux aider les autres en développant un projet qui me ressemble en accompagnant les femmes qui ont traversé la période du cancer. "

Nul doute que le projet va faire son chemin même si Emmanuelle, encore en traitement, doit reprendre doucement des forces pour affronter ses nouvelles envies de... vie.

Pascal Pioppi



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